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Jehanneton le met à la porte, Catherine de Vaucelles le fait battre comme du linge à la rivière ; on le trompe, on le vole de toutes les manières, on lui fait accroire que des vessies sont des lanternes ; il est dupe, lui le dupeur de tout le monde, tant il est vrai qu’amour rend les gens bêtes, comme il le dit dans une ballade, où il tâche, selon son habitude, de se consoler par la comparaison de plus grands que lui, témoin Salomon, qui en devint idolâtre ; Samson, qui y perdit ses lunettes ; Orphéus le doux ménétrier, et Narcissus le bel, et Sardina, le preux chevalier (vous ne devineriez pas que c’est de Sardanapale qu’il est question) ; et David, le sage prophète, et Hérodes, et tant d’autres. — Pas ne sont sornettes, ajoute-t-il avec un aplomb tout à fait naïf et charmant. — Bien heureux est qui rien n’y a.

Villon, tel qu’il nous apparaît dans son œuvre, est la personnification la plus complète du peuple à cette époque. Il semble avoir inspiré à Rabelais le type délicieux de Panurge. En effet, n’y a-t-il pas un très-grand rapport entre Panurge et l’écolier Villon ? Panurge, avec son nez fait en manche de rasoir ; Panurge, poltron, gourmand, hâbleur, ribleur, avec ses vingt-six poches pleines de pinces, de crocs, de ciseaux à couper les bourses, et mille autres engins nuisibles ; Panurge fin à dorer comme une dague de plomb, bien galant homme de sa personne, sauf qu’il est quelque peu paillard, et incessamment travaillé de la maladie intitulée faute d’argent, malgré ses soixante-trois manières de s’en procurer ; Panurge impie et superstitieux, et n’ayant réellement peur de rien, sinon des coups et du danger ; — et Villon, avec son teint