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colonie à trois degrés de la ligne, sur les bords de l’Orillane et de l’Orénoque. Adieu, France ! Adieu, Paris ! Adieu, tigresses déguisées en anges ! Adieu, Ménages, Sarrazins et Marignys ! Je renonce aux vers burlesques, aux romans comiques et aux comédies, pour aller dans un pays où il n’y aura ni faux béats, ni filous de dévotion, ni inquisition, ni d’hiver qui m’assassine, ni de défluxion qui m’estropie, ni de guerre qui me fasse mourir de faim. »

Son union avec mademoiselle d’Aubigné ne pouvait que raviver ces projets, qui pourtant ne s’accomplirent pas. Admirez la marche des choses ! Si, par un concours de circonstances quelconques, Scarron n’eût pas été empêché d’accomplir son dessein, mademoiselle d’Aubigné, devenue sa femme, serait retournée en Amérique, et la fin du règne de Louis XIV eût sans doute été toute différente. L’influence de madame de Maintenon a été grande sur le roi vieilli et tourné vers les idées moroses, dans lesquelles elle le maintint, soit pour assurer son empire, soit par suite d’une dévotion que rien ne prouve ne pas avoir été sincère. Bien que madame de Maintenon eût de la coquetterie, et la poussât jusqu’à se faire saigner très-souvent pour conserver la blancheur délicate qui était une de ses principales beautés, les rudes leçons qu’elle avait reçues de l’adversité, les chaînes si diverses de sa fortune, avaient dû jeter dans son âme un sentiment grave et mélancolique de la vanité des choses d’ici-bas ; elle qui avait dormi sous la couverture de Ninon et sous le toit d’un pauvre poète contrefait, couchée entre les courtines d’or des alcôves de Versailles, devait faire d’é-