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mêler de regretter des beautés absentes. Je me devais mieux connaître, et considérer que j’en ai plus qu’il ne m’en faut d’être estropié depuis les pieds jusqu’à la tête, sans avoir encore ce mal endiablé qu’on appelle l’impatience de vous voir… »

N’est-ce pas un spectacle étrange et philosophique de voir celle qui plus tard partagea presque le trône de France entrer dans le mince taudis d’un poète avec un jupon trop court, car elle avait grandi depuis qu’il était fait, et sa pauvreté l’avait empêchée de le renouveler ? — Et ce bélître de Scarron qui se demande pourquoi elle pleurait ? Elle pleurait parce que sa robe n’était pas assez longue. N’est-ce pas une bonne raison, une vraie raison de femme ?

Pour se marier, il fallut que Scarron résignât son bénéfice, qu’il céda, moyennant trois mille livres, à un valet de chambre de Ménage, garçon d’esprit que son maître protégeait. Il se défit aussi d’une petite terre qu’il avait du côté du Maine, et dont M. de Nublé eut la délicatesse de lui donner vingt-quatre mille livres, ayant reconnu, après l’avoir visitée, que le prix de dix-huit mille, auquel elle avait été fixée d’abord, était au-dessous de sa valeur réelle. Malgré son mariage, Scarron, avec ce penchant à changer de lieux qui caractérise les gens malades, nourrissait depuis longtemps l’idée d’aller à la Martinique, d’où l’un de ses amis était revenu parfaitement guéri de douleurs semblables aux siennes. Dans une lettre à Sarrazin, il parle de cette intention en termes explicites : « Je me suis donc mis pour mille écus dans la nouvelle compagnie des Indes, qui va faire une