Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est fabuleuse comme la réalité. Un roman n’oserait pas être si invraisemblable.

Mademoiselle d’Aubigné descendait de ce fameux d’Aubigné qui se fit connaître sous Henri III par la Confession de Sancy et le Divorce satirique, œuvres étincelantes de verve, d’une fermeté et d’une énergie de style admirables. Nous ne nous arrêterons pas à faire ici l’histoire de mademoiselle d’Aubigné, elle est assez connue, et on peut la trouver dans toutes sortes de livres, sans que nous prenions la peine de la transcrire. À son retour d’Amérique, madame d’Aubigné vint se loger avec sa fille, qui n’avait pas plus de quatorze ans, vis-à-vis de la maison de Scarron. Le voisinage ayant établi la liaison, notre burlesque, qui, malgré son gros rire, avait le cœur facile à émouvoir, s’intéressa aux malheurs de la mère, qui était dans la plus précaire des situations ; il trouva la petite charmante et proposa de l’épouser. Bien qu’il fut impotent et tordu comme un Z, sa demande ne fut pas rejetée, et la seule objection qu’on y fit, c’est la trop grande jeunesse de mademoiselle d’Aubigné. Il fut convenu que l’on attendrait deux ans, et que, ce temps passé, le mariage se ferait : ce qui eut lieu effectivement. Il fallait que ces deux femmes, la mère et la fille, fussent réduites à de bien tristes extrémités pour accepter un semblable parti ; peut-être cet espace de deux ans fut-il demandé par elles dans l’espoir de quelque chance heureuse qui ne se présenta point, puisque mademoiselle d’Aubigné devint madame de Scarron. Voici une lettre assez curieuse que Scarron écrivait à mademoiselle d’Aubigné dans les commencements de leur liaison.