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cardinal, c’est-à-dire l’histoire de ses amours avec une fruitière d’Alcala, amours qui lui avaient valu des coups d’étrivières et fait perdre les bonnes grâces de son patron le cardinal Colonna. Aucun détail n’est omis ; il raconte comment, chassé d’Alcala, Mazarin se sauve à pied et en fort mince équipage à Barcelone, d’où il regagne son pays comme il peut, et recommence sa fortune en occupant la place de Ganymède auprès d’un Jupiter empourpré ; puis il lui jette à la face ses fautes et ses crimes politiques : il le tance de la simonie insolente qu’il fait des bénéfices, de Lerida deux fois manquée, de Courtrai d’où ses menées ont fait sortir la garnison, du fruit du combat de Lens perdu par sa lenteur, de la Catalogne désespérée, du duc de Guise, mal logé à Naples où on l’abandonne, du duc de Beaufort mis en cage, du vol du duché de Cardone, de l’empoisonnement du feu président Barillon, du parlement outragé, des Anglais qu’il laisse mourir de faim, de leur reine désolée à qui il a volé ses bagues, et de je ne sais combien de forfaits plus ou moins vrais pour lesquels il lui souhaite de voir


Sa carcasse désentraillée,
Par la canaille tiraillée !


Nous ne rapportons ici que les injures les plus douces ; le reste est d’une virulence que les Latins eux-mêmes n’ont pas dépassée. Le burlesque y va jusqu’à la férocité ; les plaisanteries sont trop littéralement sanglantes. La colère poétique tourne à la rage, et il est étrange qu’il se soit trouvé autant de fiel dans ce petit corps rabougri. Le père Duchêne est pâle à côté de cela. C’est