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avaient d’illustre et de remarquable, les plus beaux noms et les plus fins esprits. Ce devaient être, dans ces grands hôtels de la place Royale et de la rue des Tournelles, car alors le Marais était le quartier élégant, le quartier à la mode, de bien charmantes causeries, de bien piquantes divagations à propos de rien et de tout ; l’épicurisme délicat de Saint-Évremont, les saillies de Chapelle, l’entrain bachique de Bachaumont, mêlaient à la conversation des grands seigneurs un élément littéraire suffisant pour éviter la banalité des propos vulgaires, sans tomber dans la préciosité et le phébus, comme le fit la société de l’hôtel Rambouillet. À un pareil commerce, Scarron ne pouvait que gagner, et c’est là sans doute qu’il puisa cette liberté de badinage, cette heureuse facilité de plaisanterie, cet enjouement qui, s’il n’est pas toujours de bon goût, au moins n’est jamais forcé, et fait naître le sourire sur les lèvres les plus rebelles à la gaieté.

On trouve, dans les poésies diverses de Scarron, deux petites pièces de vers, l’une à Marion de Lorme, l’autre à mademoiselle de Lenclos, qui prouvent en quelles relations amicales il était avec ces deux célèbres courtisanes, et qui sont assez curieuses en ce qu’elles montrent sous quel aspect les contemporains envisageaient ces deux émules de Phryné et d’Aspasie. Voici l’étrenne adressée à mademoiselle Marion de Lorme :


Félicité des yeux et supplice des âmes,
Beauté qui tous les jours allumez tant de flammes,
Ce petit madrigal ici
Est tout ce que je puis vous donner pour étrennes ;
Mais je vous demande aussi