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trouve des morceaux d’une verve aussi franche, d’un comique aussi épanoui et d’une facture non moins habile ; la mémoire humaine, déjà surchargée de tant de noms, en choisit ordinairement un pour chaque genre, et le lègue d’âge en âge, sans aucun examen. Un travail amusant pour quelqu’un qui aurait du loisir, et qui ne craindrait pas de traverser et de remonter quelquefois le torrent des opinions reçues, serait la révision des arrêts portés par les contemporains ou la postérité, qui n’est pas toujours si équitable qu’on veut bien le dire, sur une foule d’auteurs et d’artistes : plus d’un de ces jugements serait cassé à coup sûr. Un pareil travail, appuyé de pièces justificatives, mettrait en lumière une foule de choses charmantes dans les écrivains voués à la réprobation et au ridicule, et trahirait un nombre pour le moins équivalent de sottises et de platitudes dans les écrivains cités partout avec éloge. Tous les poètes grotesques n’ont pas eu pour leur renommée l’avantage de laisser une veuve épousée par un roi de France, et cette bizarrerie de fortune a contribué pour beaucoup à sauver de l’oubli le nom de l’auteur de Don Japhet d’Arménie.

Scarron naquit à Paris en 1610 ou 1611, d’une famille ancienne et bien située, originaire de Moncallier en Piémont, où l’on voit dans l’église collégiale une chapelle fondée sur la fin du xiiie siècle par Louis Scarron, qui y repose sous un tombeau de marbre blanc blasonné de ses armes. Il eut pour père Paul Scarron, conseiller au parlement, qui jouissait d’une fortune de vingt-cinq mille livres de rente, somme considérable pour ce temps, et qui représenterait aujourd’hui plus du double. — Un Pierre