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se peut facilement détacher de l’ensemble. C’est la Beausoleil qui parle :

« Comme nos chambres tiennent des temples en ce qu’elles sont ouvertes à chacun, pour un honnête homme qui nous y visite, il nous faut endurer les impertinences de mille qui ne le sont pas. L’un viendra branler les jambes toute une après-dînée sur un coffre, sans dire mot, seulement pour nous montrer qu’il a des moustaches, et qu’il les sait relever ; l’autre, un peu moins rêveur que celui-ci, mais non plus habile homme, fera toute sa conversation de bagatelles aussi peu considérables que son esprit ; et tranchant de l’officieux, il voudra placer une mouche sur la gorge, mais à dessein d’y toucher ; il voudra tenir le miroir, attacher un nœud, mettre de la poudre aux cheveux, et prenant sujet de parler de toutes ces choses, il le fait avec des pointes aussi nouvelles que Laguimbarde et Lanturlu. Le troisième, prenant un ton plus haut et trop fort pour son haleine, s’engage inconsidérément à la censure des poèmes que nous avons représentés. L’un sera trop ennuyeux pour ses longueurs, l’autre manque de jugement en sa conduite. Celui-ci est plat et stérile en pensées ; celui-là au contraire, à force d’en avoir, s’embarrasse et parle galimatias. L’un est défectueux en ce qu’il ne s’attache pas aux règles des anciens, ce qui témoigne son ignorance ; l’autre, pour les avoir trop religieusement observées, est froid, et presque du tout sans action. Celui-ci ne lie pas son discours, et fait des fautes au langage ; celui-là n’a pas la politesse de la cour. L’un manque des ornements de la poésie ; l’autre est trop abondant en fables, ce qui sent plus le pédant que l’hon-