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Bienheureux Scudéry, dont la fertile plume
Peut chaque mois sans peine enfanter un volume,
Tes écrits, il est vrai, sans arts et languissants,
Semblent être formés en dépit du bon sens ;
Mais ils trouvent pourtant, quoi qu’on en puisse dire,
Un marchand pour les vendre et des sots pour les lire.


Balzac, quoiqu’il ait loué la tragédie d’Arminius, n’était pas, à ce qu’il me semble, très-grand admirateur de notre poète ni du docte Saumaize, avec lequel il l’accouple.

« Ô bienheureux écrivains ! M. de Saumaize en latin, M. de Scudéry en français, vous pouvez écrire plus de callepins que moi d’almanachs. Bienheureux tous ces écrivains qui ne travaillent que de la mémoire et des doigts ! »

Si M. de Balzac veut dire que MM. de Saumaize et de Scudéry avaient tort de faire un grand nombre de mauvaises choses, son reproche est très-juste, mais la phrase est bâtie de manière que l’on croirait que c’est la facilité à produire qu’il tourne en ridicule. — Un des premiers dons du génie, c’est l’abondance, la fécondité. Tous les grands génies ont produit énormément, et il n’y a jamais eu de mérite à rester fort longtemps à faire peu de chose, quoi qu’en puissent dire et Malherbe et Balzac, et tous ces littérateurs difficiles, à qui lui les fumées de la lampe nocturne engorgent le cerveau de suie et qui sont malades d’une strangurie de pensées.

Scudéry avait aussi ses admirateurs, Claveret, Chaudeville, Mayret, Chapelain, Conrart et autres beaux-esprits du temps ; car il n’est pas aussi totalement dénué de mé-