Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


La faim, ce vautour effroyable,
Et que l’on doit tant redouter,
Avec un bec impitoyable
Y viendroit me persécuter…

Grand duc, ôte-moi cet obstacle !
Prends soin d’un soldat qui te sert,
Et fais par un nouveau miracle
Pleuvoir la manne en ce désert.


Scudéry avait dépensé beaucoup d’argent pour s’y aller installer et y faire transporter une infinité de caisses contenant les portraits de tous les poètes, depuis Jean Marot, père de Clément, jusqu’à Colletet ; car Scudéry, qui avait la tête assez légère, éparpillait le peu qu’il possédait en badineries de cette espèce, et gouvernait son bien assez mal, malgré les efforts de sa sœur pour lui donner l’esprit de ménage et d’économie. Assurément il n’était pas d’une richesse à former des galeries, s’il faut en croire ce que dit Segrais, qui conte que, venant de fort loin pour voir une certaine demoiselle de Palaiseau, autrefois courtisée par Paul Scarron, il mangeait un morceau de pain sous son manteau dans une des allées du Luxembourg, n’ayant apparemment pas le moyen de diner ailleurs. Les vers que nous venons de citer viennent à l’appui de cette assertion. Cependant, si Scudéry manquait d’argent, cela se doit attribuer plutôt à son inconduite qu’à une misère réelle ; car ses livres, tout décriés qu’ils aient été depuis et pour méchants qu’ils fussent, se vendaient on ne peut mieux, et il en faisait beaucoup. Boileau lui-même en convient avec ce ton d’humeur chagrine et rechignée qui lui est ordinaire