Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grands seigneurs spadassins, pipeurs de dés, faiseurs de fausse monnaie ; — et les aventurières italiennes, masquées de velours, parfumées, fardées, d’une tournure si élégante et si hardie, ayant toujours parmi leurs pots d’onguents, de pommades, leurs fioles d’odeur, quelque petite bouteille de fin poison et quelque poudre à préparer le boccone ; — et les bons gros bourgeois ventrus, cauteleux et mutins, toujours prêts à faire des barricades ; comme tous ces types sont harmonieux et différents, et que cela compose un tableau plein de variété et d’ensemble !

Scudéry, malgré son peu de talent et ses forfanteries, ne laissait pas que d’être estimé du grand Armand ; et Sarrazin, dans un discours sur la tragédie, placé en tête de l’Amour tyrannique, ne feint pas de dire que cette pièce est une des plus belles et des plus admirables qu’il se puisse voir, et qu’elle est au-dessus des attaques de l’envie et par son propre mérite et par une protection qu’il serait plus que sacrilège de violer, puisque c’est celle d’Armand, le dieu tutélaire des lettres. — Par l’entremise de madame de Rambouillet, avec qui sa sœur, Magdeleine de Scudéry, était fort liée, Georges de Scudéry obtint la place de gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde en Provence. C’est une espèce du masure juchée au sommet d’une montagne : sur quoi madame de Rambouillet qui connaissait à fond l’humeur du personnage, disait assez plaisamment que cela se trouvait le mieux du monde, et que ce diable d’homme n’eût pas, pour quoi que ce fût accepté un gouvernement dans une vallée, et qu’il serait parfaitement là, perché sur son roc dominant toute la campagne et le