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très-polie ; il ne dit pas brutalement : Gardez-vous d’être pendus ; il se respecte trop pour cela. Le morceau qui précède ces vers est intitulé : Ballade de bonne doctrine à ceulx de mauvaise vie. Nous ne pouvons résister au plaisir de la transcrire.

I.

Car or, soyes porteur de bulles,
Pipeur ou hasardeur de dez ;
Tailleur de faux coings[1], tu te brusles
Comme ceulx qui sont eschaudez[2].
Trahistres pervers, de foy vuydez,
Soyes larron, ravis ou pilles,
Ou en va l’acquest que cuydez ?
— Tout aux tavernes et aux filles.

II.

Ryme, raille, cymballe[3], luttes,
Hante tous autres eshontez :
Farce[4], broïlle, joue des flustes,
Fainctes, jeux et moralitez[5]
Faicts en villes et en citez ;
Gaigne au brelan, au glic[6], aux quilles :
Où s’en va tout ? Or, escoutez :
— Tout aux tavernes et aux filles.

  1. Faux monnayeur.
  2. Le supplice des faux monnayeurs était d’être plongés dans l’eau bouillante.
  3. Fais du train par le monde, donne-toi du mouvement.
  4. Farce est ici un impératif de farcer, faire le facétieux.
  5. Moralité, comme la Passion de Jésus-Christ ou la grand’diablerie de Douai. Villon, au dire de Rabelais, était impresario de mystères.
  6. Espèce de jeu de hasard ; de l’allemand gluck, qui veut dire chance.