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buer à la paresse ou à la négligence, se transporta un jour à l’Académie sans prévenir personne et assista à une séance : on en était au mot ami. La discussion fut si longue et si vive que le cardinal, le meilleur ménager du temps, l’homme qui fit le plus de choses en peu d’espace, se retira pleinement convaincu que l’ouvrage, pour être fait comme il devrait être, ne se pouvait mener avec plus de célérité.

Ce fut Chapelain qui tint la plume dans les Sentiments de l’Académie sur le Cid. Cette critique juste, décente et honnête, lui fit et lui fait encore honneur. C’est certainement une des meilleures et des plus sensées qu’on ait faites.

— Maintenant que nous voici à peu près quitte des détails biographiques, nous allons procéder à l’examen de cette fameuse Pucelle, qui est le plus mauvais ouvrage de Chapelain et le seul dont on ait cependant gardé mémoire. Laissons parler Chapelain lui-même et écoutons les motifs qui l’ont porté à faire un poème épique en vingt-quatre chants, dont douze encore inédits.

« Ce fut plutôt un essai qu’une résolution déterminée, pour voir si cette espèce de poésie, condamnée comme impossible par nos meilleurs écrivains, était une chose véritablement déplorée, et si la théorie, qui ne m’en étoit pas tout à fait inconnue, ne me serviroit pas à montrer à mes amis, par mon exemple, que, sans avoir une trop grande élévation d’esprit, on la pouvoit mettre en pratique ; surtout, je n’avois garde de me persuader qu’un travail que je faisois à l’ombre dût jamais s’exposer au jour. »