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son nom de petites pièces de vers qu’il lui faisait apprendre par cœur, et qu’elle venait ensuite réciter à table, d’assez bonne grâce et avec beaucoup d’intelligence : l’on ajoute même que Claudine étant fort malade, Colletet eut cette ingénieuse précaution de rimer pour elle, au cas qu’elle mourût, une manière d’adieu aux Muses. — Heureusement la Parque ne voulut point une aussi belle vie, et l’adieu ne servit pas. — Et même, quelque temps après, Colletet père ayant laissé son fauteuil vacant, Colletet fils écrivit, sous le nom de Claudine, une pièce sur la mort de son mari qui se termine en ces termes :


Pour ne plus rien aimer ni rien louer au monde,
J’ensevelis mon cœur et ma plume avec vous.


Sur quoi La Fontaine, qui n’était point bon homme, et qui avait été chez Colletet à la maison du faubourg, et qui même avait fait un doigt de cour à l’incomparable Claudine, fit cette bénigne épigramme :


Les oracles ont cessé,
Colletet est trépassé.
Dès qu’il eût la bouche close,
Sa femme ne dit plus rien,
Elle enterra vers et prose
Avec le pauvre chrétien.


Pour moi, je ne vois pas d’obstacle à ce que les quelques vers imprimés dans les œuvres de Colletet sous le nom de Claudine soient bien réellement d’elle ; ils n’ont rien d’assez merveilleux pour qu’une femme n’ait pu les faire sans le secours d’un mari académicien, et je crois