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quante-quatre ans, sa flamme ne fut pas moins vive, sa verve moins abondante, et ses concetti moins recherchés que s’il eût été au plus vert de ses mois ; car il a fait tout un livre de sonnets érotiques intitulé les Amours de Claudine, et beaucoup d’autres pièces, les unes élégiaques, les autres louangeuses, toutes en l’honneur de la jeune chambrière subitement érigée en déesse.

S’il faut en croire Colletet, elle était fort charmante, fort spirituelle, et… vierge. — Voilà beaucoup de belles qualités réunies et antipathiques de leur nature ; et si Claudine était tout cela, je ne sais trop ce que Colletet aurait pu aimer de mieux. De mauvaises langues du temps prétendent qu’elle n’était rien moins que cela. — Je n’ajoute pas foi aux mauvaises langues, et d’ailleurs, Colletet le fils étant du même avis que Colletet le père et ne parlant de sa belle-mère Claudine que comme d’un miracle de beauté et d’esprit, il fallait nécessairement que cela fût, car les fils ne sont guère portés à être de l’avis de leur père et à trouver leurs marâtres charmantes.

Cette belle était blonde, et les vers de Colletet sont pleins de jeux de mots sur ces beaux cheveux d’or qui sont les rayons lumineux de son soleil, des lacs d’amour où les cœurs se vont prendre et les chaînes visibles de sa liberté, l’Océan qui porte ses amours sur ses ondes paisibles, le fleuve qui roule plus d’or que le Pactole, et tout ce que l’on peut dire sur les cheveux blonds quand une immense érudition met à votre service tout le mauvais goût de tous les poètes de la terre anciens et modernes. Chaque madrigal ou sonnet a ordinairement pour suscription : à ma belle et sage Claudine, pour ma chère