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Après une telle disgrâce
Je serois le Job du Parnasse,
Couché sur le noble fumier
De quelques feuilles de laurier.


Dans cette malencontreuse année 1652, il arriva encore une autre catastrophe à notre poète. Comme il passait dans la rue des Carneaux, près de la Ferronnerie, le 26 septembre, l’entablement d’une vieille maison se détacha et lui tomba sur la tête. Il fut très-longtemps entre la vie et la mort, car il avait au front une plaie énorme en largeur et en profondeur. Quand il fut un peu rétabli, il lâcha la bonde à sa colère poétique et rima de belles invectives contre cette rue de la Ferronnerie où l’on assassinait les rois et où l’on assommait les poètes, ces deux sommités de l’ordre social. Il se plaint beaucoup d’un de ses amis qui ne lui a envoyé qu’un pot de confitures pendant sa maladie, de ses protecteurs qui l’ont laissé manquer d’argent ou qui ne sont pas venus le voir, et rien n’est plus comique que la manière dont il formule ses griefs ; car les littérateurs de ce temps-là ressemblent assez à ces mendiants d’Espagne qui vous demandent d’abord fort humblement et de la voix la plus moelleuse, et puis vous disent des injures et vous couchent en joue avec leur carabine si vous leur refusez. Une épître liminaire, une dédicace était une vraie lettre de change tirée sur celui à qui elle était adressée ; la suscription du plus chétif sonnet avait son intention cachée et visible. — Aussi évitait-on une dédicace comme le feu ; et Boursault, dans sa préface du Jeune Polyanthe, nous apprend-il qu’un de ses meilleurs amis se brouilla avec