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ce temps-là, entièrement banni de l’art comme n’étant pas susceptible d’ornements égayés, il se retira peu à peu de la vie réelle et de la cité vivante, si bien qu’on finit par oublier qu’il existait et qu’il se trouva relégué au nombre des choses respectables et surannées ; quelque volcan aurait enseveli Versailles et Paris sous un manteau de lave et de cendres qu’en y fouillant mille ans après il eût été difficile de croire que ces villes eussent été des villes chrétiennes ; on eût retiré des ruines force Pans, force Nymphes, des Vénus Callipyges, Anadyomènes et de cent façons, des Bacchus, des Mercures, tout un olympe dans chaque jardin de guinguette, et pas une seule madone, pas une seule croix sculptée, pas un seul saint de marbre ou de pierre comme on en voyait à chaque coin de rue dans le moyen âge. Les artistes du 16e et du 17e siècle étaient de vrais païens baptisés et ont contribué pour beaucoup à la chute du catholicisme, et Voltaire n’eut pas grand’chose à faire après eux.

Cet Apollon d’argent ne fut pas le seul cadeau précieux qu’ait reçu Colletet ; monseigneur le prince de Lictestein lui donna une belle chaîne d’or. Il faut voir comme il l’en remercie, et les compliments et les concetti qu’il lui adresse sur ce qu’il y a de gracieux et de séant à un grand prince d’enchaîner les Muses avec des chaînes d’or, les seuls liens dont elles doivent être liées, suivant lui ! En général, le bon Colletet est assez rapace, et il se colère fort contre ceux qui ne lui donnent rien, Il traite tort mal les beaux-fils qui lui viennent demander des vers sans avoir l’escarcelle garnie, et ne veut délivrer un soupir, une attente ou une jouissance qu’à beaux