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Ont pris un soin très-curieux
D’envoyer au victorieux.
Et pour mieux le combler de gloire,
Sur le sujet de sa victoire,
Ils ont ses vers enregistrez
Comme des monuments sacrez
Et des choses fort authentiques
Parmi leurs archives publiques,
Avec des éloges divers
Dessus ses admirables vers ;
Honneur d’autant plus plein de lustre
Que jusqu’ici ce corps illustre,
Entre tous les maîtres de l’art,
Ne l’avoit fait qu’au grand Ronsard.


Le sujet de ce chant royal est — le feu élémentaire. — Messire François de Harlay, archevêque de Rouen, fit cadeau au poète d’un superbe Apollon d’argent, en récompense d’une hymne qu’il avait faite sur la pure conception de la Vierge pour le palinod de Rouen. Colletet fit là-dessus la petite pièce de vers suivante, qui se trouve parmi ses épigrammes et qui me semble une vraie et naïve épigramme à la grecque, c’est-à-dire sans sel ni pointe :


Que ce prix glorieux élève mon courage !
Il me fait concevoir de généreux desseins :
Il semble que le dieu dont je reçois l’image
Vienne animer déjà les tableaux que je peins.
Prélat, je n’aurai plus une fureur vulgaire,
Puisqu’Apollon m’échauffe aussi bien qu’il m’éclaire.


Ce serait peut-être ici le lieu de placer quelques réflexions sur le paganisme de l’art à cette époque. N’est-ce pas fort singulier qu’un archevêque, un prélat chrétien,