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Ce cardinal n’était pas moins magnifique pour les étrangers que pour les Français, car il fit donner à ce fameux poète italien, Achillini, mille écus pour un sonnet qu’il avait composé sur la réduction de La Rochelle en l’obéissance du roi Louis XIII ; et comme l’auteur était absent, il eut encore le soin de les lui faire tenir jusqu’au fond de l’Italie. — Ce sonnet commence :


Ardete fuochi a liquefar metalli,


et le reste se peut voir dans un recueil de vers de différents auteurs intitulé le Parnasse royal et publié à Paris l’an 1635. Ce qui montre moins, quoi qu’en dise Colletet, l’excellence et la distinction du sonnet sur tous les autres poèmes que la grande générosité du cardinal-duc.

Le cardinal l’ayant engagé à travailler pour le théâtre, il fit tout seul Cyminde ou les Deux Victimes, ou du moins il la versifia d’un bout à l’autre ; car on prétend que cette pièce fut d’abord composée en prose par l’abbé d’Aubignac. S’il faut en croire l’épître liminaire, la pièce eut un succès colossal, et le cardinal s’y attendrit considérablement. Il faut, en vérité, que ce Richelieu fût d’une sensibilité bien primitive pour pleurer à une pareille pièce. Cela est beau à un faucheur de têtes et à un vieux politique comme l’était le cardinal d’être ainsi, ému par des niaiseries qui feraient éclater de rire le peuple lilliputien de M. Comte. — Rien au monde n’est plus mortellement ennuyeux que cette pièce : le sujet, autant que j’ai pu le voir en la feuilletant, est une espèce d’expiation comme celle d’Andromède, où l’on expose des victimes tirées au sort. Il y a des combats de géné-