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des enfants poètes. — Triste chose ! — Les grands hommes ne devraient jamais avoir de postérité : les Césars engendrent communément les Laridons, et les Racine père des Racine le fils ; c’est-à-dire qu’Athalie a souvent pour conséquence le poème de la Religion. Ce n’est pas que Colletet père soit un Racine ou un César, loin de là ; mais c’était un très-honnête, très-savant et très-laborieux littérateur, versé mieux que pas un dans la connaissance de la vieille poésie, qui tournait le vers fort agréablement et qui mérita d’être un des premiers de l’Académie française. Il n’était pas riche comme un partisan, mais il n’était pas non plus réduit à cette misère extrême reprochée par Boileau à son fils. Il avait maison de ville et maison des champs. — Il n’y a pas beaucoup de poètes de maintenant, même entre les plus habiles, qui se puissent vanter d’une pareille richesse : il est vrai que sa maison de campagne ressemblait un peu à la maison de Socrate ; mais enfin c’était une maison, et n’eût-on pu y tenir qu’une seule personne en deux fois, c’est pour un poète un luxe tout à fait asiatique et digne de Sardanapale. Voici quelques vers de Colletet lui-même où il est parlé ; ceux-ci sont adressés au receveur des consignation :


Courtain, j’ai fait achat d’un petit héritage,
Dans le sein d’un village,
Pour y donner carrière à mes productions.


Cette retraite était à Rungis au Val-Joyeux, et le poète y avait mis cette inscription, où il semble avoir oublié sa galanterie habituelle :