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Il était déjà à la mode et du bel air d’afficher de l’impiété et de faire l’esprit fort. Je n’affirmerai pas que Cyrano donna dans ce travers ; cependant il en fut accusé, comme presque tous les beaux esprits du temps ; ce qui servit à motiver cette imputation, ce sont quelques passages de sa tragédie d’Agrippine, où sont ouvertement et énergiquement exprimées des maximes d’athéisme comme celles-ci :


TERENTIUS.

Tu connois cependant que Rome est monarchique,
Qu’elle ne peut durer dans l’aristocratique,
Et que l’aigle romaine aura peine à monter
Quand elle aura sur soi plus d’un homme à porter :
Respecte et crains des dieux l’effroyable tonnerre.

SEJANUS.

Il ne tombe jamais en hiver sur la terre ;
J’ai six mois, pour le moins, à me moquer des dieux,
Ensuite je ferai ma paix avec les cieux.

TERENTIUS.

Ces dieux renverseront tout ce que tu proposes.

SEJANUS.

Un peu d’encens bruslé rajuste bien des choses.

TERENTIUS.

Qui les craint…

SEJANUS.

Qui les craint… Ne craint rien. — Ces enfants de l’effroi,
Ces beaux riens qu’on adore et sans savoir pourquoi,
Ces altérés du sang des bêtes qu’on assomme,
Ces dieux que l’homme a faits et qui n’ont point fait l’homme,
Des plus fermes états ce burlesque soutien,
Va, va, Terentius, qui les craint ne craint rien.

TERENTIUS.

Mais, s’ils n’en étoient pas, cette machine ronde…