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des modernes qui fit tant de bruit à cette époque : ces phrases, qui paraissent aujourd’hui d’une simplicité patriarcale et presque niaises à force d’être vraies, sont, pour le temps, de la hardiesse la plus singulière. Quel courage ! que de paradoxes inouïs et déchargés à bout portant ! Comment ! dès qu’une chose convient aux personnes, aux temps et aux lieux, il est peu important qu’Aristote l’approuve ou non ! Mais ce que vous dites là est monstrueux ; il faut que vous soyez un bien grand misérable pour soutenir une pareille hérésie ; on en a brûlé qui n’en avaient pas tant dit. Vous prêchez la liberté et le progrès de l’esprit humain et estimez plus une fleur indigène s’épanouissant toute fraîche et toute parfumée au soleil de l’inspiration que toutes ces plantes artificielles et étrangères transplantées à grand’peine du Parnasse antique dans les serres chaudes du Parnasse moderne ; vous préférez votre plumage tel qu’il est à la plume du paon, si riche et si bien nuancée, dont vous pourriez vous déguiser ; vous prétendez qu’Homère et Virgile devaient se plaindre de la pauvreté du grec et du latin ; vous prêchez le vers brisé à césure mobile et à chute irrégulière, et tout cela ni plus ni moins qu’un jeune romantique moderne dans une seule et même préface ! Il faut convenir que vous n’avez pas volé les coups de férule que le Boileau vous assène çà et là de sa main doctorale dans les Satires et dans l’Art poétique.

Le Moïse sauvé eut beaucoup de succès, quoiqu’il soit loin d’être un ouvrage irréprochable, mais la partie descriptive y est extrêmement brillante et fait passer sur beaucoup de défectuosités. Le descriptif est l’endroit où Saint-