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naire de Marie-Louise de Gonzague, devenue reine de Pologne par son mariage avec Ladislas Sigismond, et touchait en outre une pension de trois mille livres que lui avait fait avoir l’abbé de Marolles, son ami. — Beaucoup de grands seigneurs, et des mieux en cour, vivaient avec lui sur le pied de la familiarité la plus cordiale ; il était de l’Académie, avait beaucoup voyagé et visité toutes les cours de l’Europe, où il avait été reçu avec distinction. Certes, il y a loin de là à la pauvreté tout homérique du reste et qui ne prouverait rien contre son talent que le pédagogue du Parnasse ose lui reprocher dans ces vers :


Saint-Amant n’eut du ciel que sa veine en partage.
L’habit qu’il eut sur lui fut son seul héritage.
Un lit et deux placets composoient tout son bien,
Ou, pour mieux en parler, Saint-Amant n’avoit rien.


Il n’est pas vrai non plus qu’il vint à la cour pour se produire lui et ses vers ; il y avait déjà longtemps que ses œuvres étaient imprimées et que sa belle ode à la Solitude lui avait fait un nom mérité. Saint-Amant, quoi qu’en dise Boileau, obtint beaucoup de succès ; la nature de ses qualités et même de ses défauts devait immanquablement produire cet effet dans une littérature toute pénétrée encore de la forte saveur de Ronsard, et que l’école des versificateurs-grammairiens, fondée par Malherbe et continuée par Despréaux, tâchait de dépouiller de sa partie colorante et individuelle.

Saint-Amant eut sans doute des moments de gêne ; dans une vie de voyages et de plaisirs comme la sienne, la chose a dû arriver plus d’une fois ; mais ce sont de ces embarras comme en éprouvent tous les fils de famille