Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mun avec leurs contemporains. — Rien n’est plus faux. L’on est tout étonné de rencontrer le style de Corneille dans les écrits les plus insignifiants de cette époque, et le vers du cul-de-jatte Scarron ressemble terriblement à du Molière, qui, lui-même, a des tours que ne désavoueraient pas les Précieuses dont il se moque.

En France, les admirations et les mépris sont toujours excessifs. Tout écrivain est un dieu ou un âne : il n’y a pas de milieu. — Ni si haut, ni si bas, serait cependant pour beaucoup une place plus juste. On dirait que, dans le but de s’épargner la peine de juger les titres de chacun, on adopte un écrivain quelconque pour se débarrasser des autres !

Nous avons peut-être obéi sans le savoir à cette espèce de réaction que causent toujours des arrêts trop sévères ; — la rigueur et la peine font trouver innocents de vrais coupables ; et tel gredin, qui n’aurait tout au plus mérité que les étrivières dans la loge du portier, deviendra blanc comme neige, si on l’expose au pilori tout stigmatisé des fers rouges du sarcasme. Notre pitié pour les victimes nous a quelquefois fait parler avec irrévérence des oppresseurs puissants : nous n’avons pas suffisamment respecté les bustes sous leurs majestueuses perruques de marbre, et il nous est