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Sur un char azuré le dieu marin Neptune,
Tout interdit de voir cette bonne fortune,
Et sans pouvoir comprendre un pareil accident,
Arrête ses chevaux et laisse son trident,
Reconnaissant assez au cours de cet barque
Que la mer reconnoît un plus puissant monarque.
À son signal soudain les cornets des tritons
Font sauter et bondir les dauphins et les thons,
Et l’on voit tout autour les vertes néréides
Escorter le bateau sur les plaines humides
Où cette troupe court pour y paroître mieux,
Coiffée également de joncs et de glayeux.
Les syrènes ensuite embouchent les coquilles,
Et joignent leurs chansons à celles de ces filles
Qui toutes ont en main des branches de corail
Afin d’en augmenter la pompe et l’attirail.
On voit monter du fond les troupes écaillées,
De ce beau train naval toutes émerveillées,
Qui portent sur leur dos de leur pays natal
Les perles, l’ambre gris, la nacre et le cristal.
Sur son teint si poli qu’il semble être solide
Cette vieille Thétis n’a plus aucune ride ;
Et voyant son désir et plaisir accompli,
Paroît tout ajustée et ne fait pas un pli,
Les tempêtes sans bruit étant toutes allées
Troubler en autre part les campagnes salées.
................
Tous les vents attachés aux pieds de Magdelaine
Retiennent par respect leur souffle et leur haleine ;
Exceptez seulement quelques petits zéphirs
Qui la font avancer autant que ses soupirs,
Faisant flotter en l’air, d’une façon galante,
Le voile de sa tête et sa tresse volante ;
Tout superbes et fiers de baiser ce bel or
Et friser en passant cet ondoyant trésor.


Ne dirait-on pas du Triomphe d’Amphitrite ou du prologue des Amants magnifiques, du sieur Pocquelin de Molière, valet de chambre du grand roi ? Du reste, le