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blanc et poli comme l’ivoire. Des anges en perruque blonde et en dalmatique de brocard viennent prendre la sainte repentie et l’enlèvent au ciel sept fois par jour. Il y a des dialogues de deux cents vers avec l’écho sur des questions théologiques. L’écho répond en vers monosyllabiques et contrepetes. La voix du monde cause avec la voix de la solitude, et la tête de mort fait des leçons de morale à Magdelaine dans le style le plus hétéroclite qui ait jamais été donné à un vivant de lire ou d’entendre. Voici quelques vers du dialogue du monde et de Magdelaine ; ils ne sont que bizarres.


LE MONDE.

Que fais-tu, Magdelaine, en ce triste séjour
Qui prive tes beaux yeux de la clarté du jour ?
Pourquoi t’ensevelir en des lieux si funèbres,
Où tu ne sembles plus qu’un ange des ténèbres,
Qu’as-tu fait des souris, des grâces, des attraits
Qui te faisaient briller sur les plus beaux portraits ?
Quelle métamorphose en cette grotte sombre !
Tu fus un beau soleil, et tu n’es plus qu’une ombre
Qui semble être venue eu cet antre si noir
Du profond de l’abîme et damnable manoir.
Pour venir habiter cette affreuse demeure
Pourquoi n’attendais-tu que la vieillesse meure
Vînt déteindre ton teint et sillonner ton front,
Sans te faire loi-même un si cruel affront,
Comme pour empêcher qu’on ne te reconnaisse ?
Pourquoi flétrir ainsi la fleur de ta jeunesse
Dans la verte saison de tes plus doux appas.
Sachant que c’est un fruit qui ne se garde pas,
Que la beauté du corps et l’embonpoint de l’âge
Passent comme l’éclair transparent et volage,
Comme un cheval ailé qui va sans éperon,
Et mieux qu’aucun vaisseau de voile et d’aviron ;
Que c’est un cerf-volant qui court à toute bride