Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.

peut appeler classiques, et qui ne traitent en quelque sorte que des généralités proverbiales, il existe un genre auquel conviendrait assez le nom d’arabesque, où, sans grand souci de la pureté des lignes, le crayon s’égaye en mille fantaisies baroques. — Le profil de l’Apollon est d’une grande noblesse, — c’est vrai ; mais ce mascaron grimaçant, dont l’œil s’arrondit en prunelle de hibou, dont la barbe se contourne en volutes d’ornement, est, à de certaines heures, plus amusant à l’œil. Une guivre griffue, rugueuse, papelonnée d’écailles, avec ses ailes de chauve-souris, sa croupe enroulée et ses pattes aux coudes bizarres, produit un excellent effet dans un fourré de lotus impossibles et de plantes extravagantes ; — un beau torse de statue grecque vaut mieux sans doute, et pourtant il ne faut pas mépriser la guivre. — Les vers de Virgile sur Thestylis, qui broyait l’ail pour les moissonneurs, sont fort beaux ; mais l’Ode au fromage de Saint-Amant ne manque pas de mérite, et peut-être ceux qui ont lu mille fois les Bucoliques ne seront-ils pas fâchés de jeter les yeux sur les dithyrambes bachiques et culinaires de notre poëte goinfre. Le ragoût de l’œuvre bizarre vient à propos raviver votre palais affadi par un régime littéraire trop sain et trop régulier ; les plus gens de goût ont besoin quelquefois, pour