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raison. Le sieur d’Ofayel est un Lilliputien à côté de lui, et ne lui va pas seulement à la cheville. Pour pousser le mauvais aussi loin et avec un parti pris aussi complet, il faut une espèce de génie, déjeté et bossu il est vrai ; mais, à coup sûr, une organisation ordinaire n’aurait pas cette puissance de détestable et cette fécondité prodigieuse d’inventions burlesques et baroques. Les sonnets du Virbluneau sont des chefs-d’œuvre de bon sens ; ses allégories sont les plus simples et les plus naturelles du monde ; ses concetti sont du goût le plus pur, si on les compare à la Magdalenéide du pauvre carme. Le pauvre carme a eu, du reste, plus de bonheur que l’élégant cavalier à moustache pointue et à fraise goudronnée. Il s’est fait avec son œuvre un nom aussi impérissable que s’il avait été effectivement un très-grand et très-excellent poète. Sa mémoire embaumée dans le ridicule ira jusqu’à la postérité la plus reculée. — Hélas ! quel est celui de nous qui peut se flatter qu’une bouche prononce notre nom dans cent ans d’ici, ne fût-ce que pour s’en moquer ? les plus grands génies de maintenant n’oseraient l’espérer.

Heureux père Pierre de Saint-Louis ! On ne sait pas où est né Homère ni où il est mort ; on n’est pas même bien sûr qu’Homère ait existé ; et ce que l’Iliade et l’Odyssée n’ont pas fait pour le Melesigène, ta Magdalenéide et ton Eliade l’ont fait pour toi, pauvre religieux carme ! On a sur ta vie plus de détails que sur celle du prince des poëtes ; on sait ton nom de famille et de religion, on sait le nom de ton père et même celui de ta mère, et celui de ton frère, et celui de ton professeur ; on connaît