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qui font de pareils vers ne puissent pas en faire beaucoup. Il est vrai qu’il y a dans Théophile des passages de mauvais goût et en assez grand nombre, mais c’est d’un mauvais goût ingénieux et amusant, plein de brillants et de facettes, curieux et inattendu, un mauvais goût à la manière du cavalier Marin, et qui ne provient, les trois quarts du temps, que de la recherche du neuf. Ce n’est pas que Malherbe, tout sec qu’il soit, ait le goût, à beaucoup près, aussi pur qu’on veut bien le dire, et, sans parler des larmes de saint Pierre, on rencontre dans ses pièces les plus vantées des vers d’un maniérisme outré et des antithèses forcées qui sentent leur rhéteur. Seulement c’est un mauvais goût sourd, peu oseur, qui ne saute pas aux yeux dès l’abord, et qui, ne provenant pas d’exubérance comme celui de Théophile, mais de pauvreté et d’étroitesse, rencontre de moins fréquentes occasions de se reproduire au soleil ; c’est ce que Théophile a très-bien senti et exprimé en blasonnant ces manières de poètes qui ne voient dans la poésie que matière à prose, et regardent une métaphore comme une extravagance.

Théophile a fait à Chantilly trois ou quatre pièces de vers où fourmillent, parmi un grand nombre de beautés, un aussi grand nombre de fautes de goût. Ces pièces sont malheureusement trop longues pour les rapporter ici. Elles sont semi-mythologiques, semi-descriptives et marquées du sceau le plus original et le plus étrange. Je ne sais si vous avez vu dans quelque galerie un de ces tableaux, où l’Albane jette sur un fond si vert qu’il en est noir, un essaim de petits amours bien