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c’est l’éternel combat des eunuques contre les étalons. Malherbe disait déjà qu’après un discours de trois feuilles et une pièce de cent vers il se fallait reposer dix ans. Théophile a peint admirablement ces critiques dédaigneux.


Blasmant tout ce qui n’est facile qu’à leur goût,


et consacrant leur vie à ourdir une œuvre qui n’a non plus de consistance qu’une toile d’araignée, et n’en vaut pas plus pour avoir été longue à faire. Le brave Régnier s’est chargé de donner un pendant au tableau ; et l’on ne sait lequel on doit le plus louer, ou de la fierté du crayon ou de l’ardeur du pinceau. C’est au poète Rapin qu’il s’adresse :


..... Ces resveurs dont la muse Insolente
Censurant les plus vieux, arrogamment se vante
De réformer les vers, non les leurs seulement,
Mais veulent déterrer les Grecs du monument,
Les Latins, les Hébreux et toute l’antiquaille,
Et leur dire à leur nez qu’ils n’ont rien fait qui vaille
Ronsard en son mestier n’étoit qu’un apprentif,
Il avoit le cerveau fantastique et rétif ;
Desportes n’est pas net ; Du Bellay trop facile ;
Belleau ne parle plus comme on parle à la ville,
Il a des mots hargneux, bouffiz et relevez,
Qui du peuple aujourd’hui ne sont plus approuvez.
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Pensent-ils des plus vieux offensant la mémoire
Par le mépris d’autrui s’acquérir de la gloire,
Et pour quelque vieux mot étrange ou de travers
Prouver qu’ils ont raison de censurer leurs vers ?
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Cependant leur savoir ne s’étend seulement
Qu’à regratter un mot douteux au jugement,