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Ces stances avec grâce apprirent à tomber,
Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber.


Je pense, malgré l’avis de l’auteur de l’Ode sur la prise de Namur, que l’on mettait les mots à leur place, même avant l’arrivée du sieur François de Malherbe. Quant à la juste cadence, je ne me suis pas aperçu que jusque-là on eût fait des vers faux. Quant aux stances, qui, avec grâce, apprirent à tomber, je trouve, pour mon compte, que les stances de Ronsard, le plus grand inventeur lyrique qui jamais ait été, tombent avec autant de grâce que celles de la très-peu pindarique ode : Le croirez-vous, races futures ? Et je ne pense pas, romantique indigne que je suis, que la suppression de l’enjambement soit un très-grand bienfait, bien au contraire.

Malherbe, l’esprit le moins poétique qui fût jamais, est en vers un pendant assez exact de ce qu’était Balzac pour la prose. C’est le même purisme étroit et sans portée, les même minuties de syntaxe, la même pauvreté d’idées et de passion. Dans les lettres de l’un comme dans les vers de l’autre tout est mesquin, symétrique et rabougri ; le style pousse la sobriété jusqu’à la lésine : il n’y a rien d’abondant, rien d’ample et de flottant ; le vêtement de l’idée est trop court pour elle, et il le faut tirer à deux mains pour l’amener jusqu’aux pieds. La recherche du congru et du galant dégénère souvent en préciosité : la richesse maladroite des rimes ramène à chaque bout de vers les mêmes assonances. Ce sont les merveilles à nulles autres secondes, les plus belles du monde, expressions indubitablement admirables et du plus bel air, et, dignes en tous points de messieurs du Recueil choisi, mais dont