Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manières de dire castillanes, de ces bonnes façons de gentilhomme qui donnent à la prose de ce temps-là une tournure si large et si magnifique ; c’est un style de vieille roche et qui sent son bon lieu. La phrase y tombe à grands plis, comme ces riches étoffes anciennes toutes brodées d’or et d’argent, mais sans raideur aucune. Jamais on ne voit un mot se prendre les pieds dans la queue de sa robe, comme une comtesse parvenue, et tomber sur le nez au beau milieu d’une période ; il règne dans tout cela une familiarité de bon goût, un ton de grand seigneur habitué à l’être, je ne sais quel parfum de haute aristocratie dont le charme est indéfinissable ; on peut lire en toute sûreté, il n’y a aucune expression qui ne soit bien en cour et vue du roi d’un bon œil. — On ne retrouvera le secret de ce style que lorsqu’on reprendra l’épée et les plumes au chapeau, non pas la petite épée de baleine dans un étui de velours des marquis de Crébillon, non pas le tricorne fourré de plumes blanches, mais la grande rapière de fer et le feutre pointu des raffinés, avec sa penne rouge. — Les manchettes de M. de Buffon sont peu de chose auprès des manches tailladées et des crevés des élégants de ce siècle-là.

Qu’y a-t-il de plus adorablement écrit, de plus spirituel et de plus charmant en tout point, que ce morceau que nous allons transcrire, et qui est doublement intéressant, en ce qu’il est en quelque sorte comme l’expresse profession de foi littéraire de notre poète ! L’élégance ordinaire de nos écrivains est à peu près selon ces termes :

« L’aurore toute d’or et d’azur, brodée de perles et de