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Comment ils vont dans les cabarets d’honneur dîner à deux pistoles par tête, avec les jeunes seigneurs, dont ils sont les ombres matérielles ; comment on peut les appeler chenilles à l’heure du dîner, en ce sens qu’ils ont mille pieds, comme les chenilles, pour arriver à la table, et ne laissent rien dans les plats, non plus qu’elles sur les arbres. — Comment ils ne sont bons qu’à produire les vers avant et après leur mort, et que les plus pestilents ne sont pas ceux qui grouillent dans leurs charognes. — Comment, s’ils ne rimaillaient quelques sonnets et sornettes pour les catins des beaux fils, ils courraient risque de crever de male-rage de faim, et en seraient réduits à manger leur bave, comme des colimaçons en cage ; et, dernièrement, comme ils sont à la fois des ânes, des loups, des chiens et des escharbots ; des ânes pour leur stupidité et les chansons bachiques qu’ils ont l’habitude de braire à la Pomme-du-Pin et à la taverne de l’Isle-aux-Bois ; des loups pour ce qu’ils sont voraces et qu’ils ont, comme les loups, l’échine toute d’une pièce, et ne savent pas plier quand passe la procession ; des chiens pour ce qu’ils sont sans vergogne, et portent leur plumet comme les chiens la queue, en trompette ; des escharbots pour ce qu’ils sont toujours à farfouiller et à barbotter dedans l’ordure, et portent, comme eux, une pelote de fiante, qui est la viande à moitié digérée, qui leur farcit leurs tripes damnées les jours de jeûne et le carême…

Quelle politesse ! quelles expressions ! — C’est pourtant là le ton général de la polémique entre savants au 16e siècle. Les réponses de Théophile, par une exception bien rare, sont des chefs-d’œuvre de convenance et de