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il se conduisit avec beaucoup de sagesse et de retenue dans une occasion où un des compagnons moins raisonnable que lui s’attira une mauvaise affaire sur les bras. — Voici comment il raconte cette aventure :

« Comme nous allions vers la porte du quai, nous rencontrâmes, au détour d’une petite rue, le Saint-Sacrement, que le prestre portoit à un malade ; nous fusmes assez surpris à cette cérémonie, car nous étions huguenots, et Clitiphon et moi ; mais lui surtout, avec une opiniâtreté invincible, ce qu’il tesmoigna très-mal à propos en cette rencontre, car tout le monde se mettant à genoux en l’honneur de ce sacré mystère, je me rangeai contre une maison, nu-teste et un peu incliné, par une révérence que je croyois devoir à la coutume reçue et à la religion du prince (Dieu ne m’avoit pas encore fait la grâce de me recevoir au giron de son Église). Clitiphon voulut insolemment passer par la rue où tout le monde étoit prosterné, sans s’humilier d’aucune apparence de salut. Un homme du peuple, comme souvent ces gens-là, par un aveuglement de zèle, se laissent plus émouvoir qu’à la cholère qu’à la pitié, saute à la teste de Clitiphon, lui jette son chapeau par terre et ensuite se prend à crier : Ô calviniste ! »

Un huguenot si modéré n’était pas éloigné de devenir catholique ; aussi fit-il abjuration : peut-être fut-ce par conviction, mais on pourrait conjecturer qu’il espérait par-là se mettre à couvert de la malignité de ses ennemis ; mais il se trompa, les persécutions continuèrent aussi furieuses que jamais. — Il s’était instruit à la foi romaine par les conférences du Père Athanase, du Père