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glaient les vitres jaunes des grandes vitrines protestantes.

Une lueur blafarde éteinte à chaque instant par les tourbillons de la tempête éclairait de reflets sinistres les fiancés, le prêtre et les assistants. Le surplis prenait des aspects de suaire et le ministre des lividités de spectre ou de nécroman faisant une conjuration. Les gestes sacrés ressemblaient à des signes cabalistiques, les époux inclinés paraissaient plutôt prier sur des tombes que se pencher, heureux et ravis, sous la bénédiction nuptiale.

Près de la porte, au loin, l’on entrevoyait une ombre blanche entourée d’habits noirs et qu’on eût dit fixée au seuil de l’église par une puissance infernale, âme malheureuse qu’un ange repousse du paradis.

Un sentiment de tristesse invincible s’était emparé de l’assistance : une vague idée de malheur secouait ses ailes de chauve-souris sur tous les fronts ; un froid glacial, pénétrant, qui figeait la moelle dans les os, froid de cave, de sépulcre ou de prison, transissait les invités et ajoutait à l’impression pénible. Les moins superstitieux, malgré leur incrédulité, ne purent s’empêcher de dire en eux-mêmes : Voilà un mariage qui ne s’annonce guère bien ; s’il est heureux, il faut avouer que le bonheur a de tristes auspices.

Le seul qui fût insensible à toute impression extérieure, c’était Volmerange ; il adorait Edith, et le jour où il recevait sa main eût-il été plein de foudres et d’éclairs, de nuages et de trombes, lui eût paru le plus pur et le plus serein. Qu’impor-