Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non…, répondit Xavier d’un ton singulier, ni en France, ni ailleurs. Je suis célibataire.

Edith, qui jusque-là avait supplié, se releva, et, de l’air le plus digne et le plus majestueux, dit au jeune homme :

— Ce n’est pas par passion pour vous que j’ai mis tant d’insistance dans mes prières : j’ai été fascinée, mais non séduite ; vous avez produit sur moi l’effet d’un philtre ou d’un poison, et je ne suis pas plus coupable que si un breuvage m’eût rendue folle. Je ne vous ai jamais aimé. Dieu merci ! j’en suis fière, et ce m’est une consolation dans mon malheur. Mes yeux aveuglés un moment se sont bien vite dessillés. Quand j’ai entendu la vraie éloquence du cœur, quand je vis briller la flamme céleste dans un regard sincère, je compris aussitôt que j’avais été la proie et le jouet d’un démon, et j’aimai M. de Volmerange autant que je vous hais ; je l’estimai autant que je vous méprise ; oui, je l’aime éperdûment, de toutes les puissances de mon corps et de mon âme, ajouta miss Edith Harley avec une insistance cruelle en voyant verdir le visage blême de Xavier, et je voulais lui épargner cette honte d’épouser une fille souillée par vous ; mais je lui dirai tout, il me pardonnera et me vengera. Maintenant, monsieur, sortez, ou je sonne et je vous fais jeter par la fenêtre, s’écria-t-elle d’un ton où éclatait la révolte de son sang aristocratique.

En disant chaque mot, elle avançait d’un pas, et Xavier, comme foudroyé par les effluves d’indignation qui sortaient des yeux d’Edith, reculait en chancelant vers la porte, qu’elle referma violem-