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Miss Edith Harley avait plutôt l’air d’une victime que l’on pare pour le sacrifice que d’une jeune vierge marchant à l’autel pour faire un libre serment d’amour et de fidélité. Pourtant Edith n’était pas opprimée par des parents féroces. Un père barbare, une mère acariâtre ne forçaient pas son choix. On ne mettait pas d’autorité sa main pure et fine dans les griffes tordues par la goutte d’un vieillard obscène et monstrueux. Celui qu’elle allait épouser était un jeune homme, M. de Volmerange, beau, charmant, et d’excellente famille, qui réunissait toutes les conditions faites pour plaire aux parents les plus positifs et aux jeunes filles les plus romanesques.

Elle avait même paru accepter volontairement les soins de M. de Volmerange, et dans les entrevues qui avaient précédé l’arrangement de leur mariage, souvent ses yeux se tournaient vers le jeune comte avec une indéfinissable expression de mélancolie et d’amour. Mais en général la présence de M. de Volmerange causait à Edith un malaise et une inquiétude visibles seulement pour l’observateur, qui ne s’accordaient pas avec certains regards pleins d’un feu étrange pour une jeune fille d’ailleurs si modeste en apparence.

Haïssait-elle, aimait-elle M. de Volmerange ? c’était un mystère difficile à pénétrer. Si elle ne l’aimait pas, pourquoi l’épousait-elle ? Si elle l’aimait, pourquoi cette pâleur, pourquoi ces larmes, pourquoi cet abattement ?

Edith, enfant unique adorée de son père et de sa mère, n’avait qu’un mot à dire pour rompre cet hymen s’il lui déplaisait. Qui l’empêchait de