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Bautry à son ami Benedict Arundell, c’est donc vrai, tu te maries, à vingt-quatre ans, à la fleur de l’âge, lorsqu’une si longue carrière de plaisirs et de fantaisies était encore ouverte devant toi !

— À vingt-quatre ans, tu l’as dit, cher Williams ; le mariage est une folie qu’on ne doit faire que jeune.

— Je suis assez de ton avis, et d’ailleurs Amabel justifie une résolution si prompte ; mais, lorsque nous étions à l’Université de Cambridge, il n’était guère facile de prévoir que tu serais le premier de notre joyeuse bande qui se laisserait prendre dans le traquenard de l’hymen.

Pendant que sir Williams Bautry et sir Benedict Arundell s’entretenaient ainsi en roulant vers l’église Sainte-Margareth, un homme, sorti de la rue adjacente, se glissa sous le porche sombre, et se tint adossé contre la muraille entre deux colonnettes, comme la statue de pierre d’un saint.

Cet homme était coiffé d’un chapeau à larges bords enfoncé jusqu’aux yeux, et le pan d’un manteau de voyage rejeté sur l’épaule voilait le bas de sa figure. Ce qu’on en pouvait distinguer annonçait des traits réguliers brunis par le soleil d’autres cieux.

Au bout de quelques minutes d’immobilité rêveuse, il dégagea une main des plis de son manteau, et, amenant une large montre plate à la portée de sa vue, il se dit :

— C’est l’heure ; ils vont bientôt venir !

Et il replongea la montre dans les profondeurs de son gousset.