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guides dans leurs mains avec un air de maestria incomparable, clappèrent de la langue, touchèrent leurs chevaux du bout de la mèche, et le cortège partit pour l’église.

Le soleil avait fait d’inutiles efforts pour dissiper les vapeurs rabattues par le vent d’ouest sur la ville de Londres, et son disque pâli et sans rayons faisait à peine deviner la place qu’il occupait dans le ciel par une tache livide plus semblable à la face malade de la lune qu’au visage étincelant de l’astre du jour. Les lanternes où le gaz attardé dardait encore ses jets versaient une lumière presque aussitôt étouffée.

À quelque distance, les objets estompés se contournaient en formes étranges et fantastiques, les voitures avaient l’air de léviathans et de béhemots, les passants incertains, de géants et de fantômes, les murailles sombres des édifices prenaient des apparences de babels et de lylacqs, et il fallait toute l’habitude des cochers pour ne pas se perdre dans cet air opaque où mouraient les vibrations sonores, et qui semblait avoir ouaté les rues avec le duvet des nuages.

La chapelle où le mariage devait se célébrer était Sainte-Margareth, édifice dans le style ogival normand, avec une tour carrée, de puissants contreforts, une immense fenêtre quadrilobée, construction lugubre d’aspect, aux murailles noires comme de l’ébène, dont les nervures lavées par la pluie avaient l’air en tout temps couvertes de neige, assise au milieu d’un cimetière sans verdure et parsemé de tombes dont la forme, rappelant vaguement celle du cadavre, avait quelque chose