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ne regardait dans la rue pour éviter la réciprocité.

Suivant l’usage de Londres, un petit fossé garni de grilles la séparait de la rue ; la grille toute couverte de cette imperceptible poussière de charbon que tamise perpétuellement le ciel anglais, était noire comme la balustrade qui entoure une tombe, et prouvait de la part des maîtres et des locataires une profonde incurie du confort et de la propreté, si toutefois cette maison était ordinairement habitée, car rien n’y révélait la présence de l’homme. La cheminée n’y dégorgeait pas de fumée, et le bouton de cuivre de la sonnette, tout couvert de poussière et tout vert-de-grisé, ne semblait pas avoir été touché de longtemps ; rien ne vivait sur ces murailles endormies, mornes et délavées par la pluie.

En étudiant un peu l’aspect extérieur de cette maison, dont la devanture, à cause de son manque de largeur, ne pouvait admettre que deux fenêtres de front et une chambre par étage, y compris la cage de l’escalier, un observateur attentif eût compris que cette façade n’était que le masque d’un autre édifice situé à une grande distance de la rue, et à qui elle servait pour ainsi dire de couloir ; car les angles des marches de pierre du perron, élimés et arrondis au milieu, témoignaient d’un passage plus fréquent que n’aurait pu le faire supposer la médiocrité du taudis.

En effet, la porte s’ouvrait sur un long corridor obscur, humide, où circulait avec peine un air rarement renouvelé, fétide et glacial ; un air de tombe, de cave ou de cachot : les parois de cet