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sions salées ; un d’eux heurta sur le sable une espèce de masse couverte de petits coquillages et qui ressemblait grossièrement à une bouteille.

Enchanté de sa trouvaille, le matelot, croyant avoir mis la main sur quelque bouteille de rhum, dégagea l’objet de sa croûte de terre et de madrépores, fit sauter la capsule de plomb, et ne trouva, au lieu de la liqueur désirée, qu’un morceau de parchemin qu’il remit à son capitaine avec une fidélité qu’il n’eût pas eue pour le spiritueux.

Le capitaine ouvrit le parchemin plié en quatre et fut très-surpris d’y lire ce qui suit :

« Au moment d’accomplir l’entreprise la plus hardie et la plus étrange qu’un homme ait jamais tentée, moi, sir Arthur Sidney, l’esprit tranquille et la main ferme, sachant que ces vagues sous lesquelles je vais plonger peuvent m’engloutir, j’écris, pour que mon secret ne meure pas tout entier avec moi, ces lignes qui seront peut-être lues plus tard si je péris dans mon voyage sous-marin.

» Anglais, j’ai été profondément humilié de la trahison faite par l’Angleterre au grand empereur. Fils respectueux, j’ai voulu laver cette tache à l’honneur de ma mère et lui épargner devant la postérité la honte d’avoir assassiné son hôte ; je me suis mis en tête de déchirer cette page de l’histoire de mon pays ; j’ai voulu qu’on dit :

« L’Angleterre l’a fait prisonnier, un Anglais l’a délivré et a tenu tout seul la parole de sa nation. »

» J’essaie d’empêcher ma patrie, que j’aime, de commettre un déicide qui la rendra l’objet de l’exécration du monde, comme le meurtre de Jésus