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d’une passion menteuse ? et elle jeta la lettre au feu.

Elle en prit une seconde qu’elle lut, et qu’elle envoya rejoindre la première dans l’ardent foyer : elle remonta ainsi, lettre par lettre, tout le cours de cet amour évanoui. À mesure qu’elle avait respiré le vague parfum de souvenir enfermé dans les plis du vélin, elle rendait à la flamme ces débris d’un temps qui n’existait plus.

— Neuf heures ! dit-elle en jetant la dernière lettre de la cassette ; et Volmerange qui ne vient pas !

Le papier, après s’être allumé sur les charbons, avait, par suite d’un écroulement de braises, roulé à terre devant la cheminée.

Près de s’éteindre, mais ravivée sans doute par quelque souffle, la lettre, plus qu’à demi-consumée, lança un jet bleu ; la flamme près d’expirer, cherchant un aliment, mordit le bord de la robe de gaze d’Amabel, et monta en serpentant dans les plis de l’étoffe légère.

Amabel se vit tout à coup entourée d’une clarté flamboyante et d’une atmosphère embrasée ; elle courut au cordon de la sonnette ; mais folle d’épouvante et de douleur, elle le cherchait à gauche tandis qu’il était à droite, et la flamme excitée par ces mouvements l’enveloppait victorieuse et triomphante.

La pauvre enfant se roula par terre pour éteindre le feu, et tâchait d’arracher ses vêtements en poussant des cris.

Au même moment la porte s’ouvrit et le domestique annonça :