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les fautes passaient et l’obscurité la plus profonde planait toujours sur sa mystérieuse disparition. La jeune femme s’était donc rassurée peu à peu à l’endroit de cette revendication posthume, et commençait à aimer Volmerange, sans trop d’épouvante. Celui-ci avait oublié tout à fait Edith et même Priyamvada.

Ses aventures avec cette dernière lui produisaient l’effet d’une hallucination d’opium. Ce teint doré, ces yeux peints, ces colliers de perles, ces parfums exotiques, ces promenades à dos d’éléphant, ces rendez-vous dans les pagodes, ces batailles à travers les forêts barrées de lianes, toutes ces scènes étranges semblaient au comte des souvenirs qui n’appartenaient pas à la réalité.

Si Priyamvada eût vécu, toute charmante qu’elle était, elle eût certainement embarrassé Volmerange. Qu’eût-on dit au bal d’Almack, d’une femme qui avait des boucles d’oreilles dans le nez et un tatouage de garotchana sur le front ?

Cependant le comte ne pouvait s’empêcher d’éprouver un sentiment de tristesse en pensant à la beauté parfaite, à l’amour ardent et au dévoûment sans bornes de la pauvre Indienne : ces qualités, quoiqu’un peu excentriques et choquantes, valaient bien un regret.

Pendant toutes ces alternatives, miss Edith et sir Benedict Arundell que nous avons laissés sur la jetée de Calais, s’étaient embarqués et étaient arrivés en Angleterre.

Avant d’entrer dans Londres, ils s’étaient séparés, et avaient pris chacun une maison dans un square retiré de Londres. La fiction du mariage