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se suspendant aux saillies et aux broussailles, enfonçant ses ongles dans les parois lisses, il parvint en quelques minutes au faîte du rocher, et de là se mit à courir dans la direction de Longwood.

Les alentours de la résidence présentaient un aspect inaccoutumé. La tempête de la nuit précédente avait arraché et brisé tous les arbres qui gisaient le feuillage souillé et les racines en l’air. Je ne sais quoi de sombre, de solennel et d’irréparable planait sur l’humble édifice autour duquel se manifestaient une activité discrète, une silencieuse agitation.

Les sentinelles, appuyées sur leurs mousquets, n’envoyaient plus de qui vive ! et semblaient s’être relâchées de leur surveillance. Immobiles à leurs places, elles accomplissaient nonchalamment un devoir inutile plutôt par obéissance à la consigne militaire que par nécessité.

Des officiers passèrent près d’elles et ne leur reprochèrent pas leur négligence. Des habitants de l’île allaient et venaient sans être empêchés, et Sidney put franchir la ligne de surveillance, et personne ne prit garde à lui.

Il approcha de Longwood ; des hommes et des femmes, suspendant leurs pas, parlant à demi-voix, l’air consterné, entraient dans l’habitation et en ressortaient au bout de quelques minutes plus pâles qu’auparavant et les yeux rougis.

Sir Arthur Sidney, le cœur serré d’affreux pressentiments, les jambes chancelantes, s’appuyant au mur de la main, vacillant et comme ivre du vin de sa douleur, suivit le flot de la foule sans trop savoir ce qu’il faisait.