Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enchantée de la bonne mine de Volmerange, d’une des dix premières créatures sorties des mains de Brahma.

Volmerange était en effet très-beau avec ce costume singulier et pittoresque.

— Sarngarava, Saradouata, et vous, Canoua, dit le vieux brahme, je vous amène celui dont je vous ai parlé, le descendant des Douchmanta et des Bharata ; lui seul, les dieux touchés de ma longue pénitence me l’ont révélé, lui seul peut faire renaître l’antique splendeur de notre pays ; il chassera les Anglais, ces grossiers barbares qui profanent l’eau du Gange, parlent aux parias, empêchent les veuves de se brûler comme la décence l’exige, font de leur ventre le tombeau de la vie, et, monstruosité qui crie vengeance, impiété abominable, osent se repaître de la chair sacrée du bœuf et de la vache.

À ce dernier trait, un frisson d’horreur circula dans l’Assemblée. Les brahmes levèrent les yeux au plafond, et un chœur sourd d’imprécations grommela dans les noires profondeurs de la pagode. Les dieux de granit, mal éclairés par le reflet vacillant de la lampe, parurent froncer le sourcil et s’agiter sur leur base.

— Tout est-il prêt pour le soulèvement ? continua Dakcha ; a-t-on réuni les armes, les chevaux et les éléphants ?

— Les salles souterraines de la pagode, dont nul ne connaît l’existence hors de notre collége sacré, sont pleines de fusils, de lances et de flèches. Des chefs mahrattes, qui ne sont pas si bien domptés que les barbares d’Europe le croient, nous