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sur lequel la mer déroulant ses volutes uniformes apportait et remportait avec un bruit sourd les galets polis par cette lente usure.

Non loin d’une falaise blanchâtre, assez escarpée et qui dominait l’Océan, Jack cria : « Arrêtez ! » sans qu’il y eût aucune raison apparente de faire halte, car bien loin à la ronde on n’apercevait ni maison, ni ferme, ni manoir, ni chemin tracé.

Jack descendit de voiture et se dirigea vers la falaise qu’il gravit avec la légèreté d’un chat, d’un marin ou d’un contrebandier, s’aidant des moindres aspérités, s’accrochant aux touffes de fenouil et de genevriers qui pendaient çà et là comme des barbes au menton raboteux d’un rocher ; il eut bientôt atteint le faîte, suivi les regards étonnés de Little-John, qui ne se serait jamais imaginé qu’on pût arriver là sans poulie et sans échelle.

Lorsque Jack atteignit la plate-forme, un individu couché par terre sur le ventre, de manière à ce que l’on ne l’aperçût point d’en bas, et qui tenait une longue vue dirigée vers la pleine mer, releva un peu la tête et dit :

— Ah ! c’est vous, Jack ! La voiture est-elle prête ?

— Oui ; et attelée de quatre bons chevaux.

— C’est bien. Le vaisseau est en vue : je l’ai reconnu à la flamme rouge et jaune qui est le signal arrêté entre nous.

En effet, on pouvait, même à l’œil nu, discerner à l’horizon, du côté où la Manche s’évase dans l’Océan, une petite voile blanche sur le lapis la-