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tipliaient à l’entour leurs arcades de feuillages. La verdure si vivace, si touffue et si luxuriante de l’Inde, noyait peu à peu le monument et faisait de la pyramide une colline.

Vaguement entrevue dans l’ombre avec son profil ébréché et sa chevelure de broussailles, la pagode ruinée avait un aspect formidable et monstrueux : ce temple du dieu de la destruction, détruit lui-même, disait dans son silence des choses éloquemment sinistres.

La porte principale, fermée par des palissades de madriers, des éboulements et des végétations inextricablement entortillées, devait faire croire que l’édifice était désert. Cependant des Lueurs errantes paraissaient quelquefois aux ouvertures à demi-obstruées, et semblaient annoncer des mouvements intérieurs. En effet, les ombres dont nous avons parlé se dirigeaient vers un point de la muraille, et là s’engloutissaient en rampant. Une énorme pierre déplacée leur donnait passage, et par des couloirs inconnus pratiqués dans l’épaisseur des murs, elles entraient dans le centre de la pagode.

Au fond d’une vaste salle soutenue par des colonnes trapues, cerclées de bracelets de granit, et portant, comme des femmes, de triples rangs de perles sculptées, et coiffées, pour chapiteaux, de quatre têtes d’éléphant, s’élevait dans une niche encadrée d’une riche bordure d’arabesques, la statue du dieu Shiva, idole très-ancienne que ses formes archaïques rendaient encore plus terrible. Sa figure respirait la colère et la vengeance. Deux de ses quatre bras agitaient le fouet et le