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nait l’un vers l’autre qu’ils le jugeaient sans danger et se croyaient sûrs de ne pas s’aimer : vous auriez demandé à Benedict s’il aimait toujours autant miss Amabel, il aurait répondu : — Oui ! — dans toute la sincérité de son cœur. Edith, interpellée, aurait juré également que sa passion pour Volmerange n’était diminuée en rien. Quelques semaines s’écoulèrent comme par enchantement ! — Avant de se quitter le soir, ils se donnaient fraternellement la main, et cependant chacun rentrait dans sa chambre avec un soupir et une espèce de tristesse indéfinissable. Une fois Benedict dit en riant à miss Edith :

— Madame Smith, je réclame mes droits d’époux, et désire vous donner un baiser sur le front.

La jeune femme se pencha sans rien dire, et présenta sa tête soumise aux lèvres de Benedict ; le baiser porta moitié sur la peau satinée de son front, moitié sur ses cheveux soyeux et parfumés.

Puis, par un mouvement, de biche effarouchée, elle rentra brusquement dans la chambre dont elle ferma la porte.

Cette nuit-là, Benedict dormit assez mal.

Tout ceci n’empêchait pas les instructions de sir Sidney d’être suivies à la lettre. Une maison de campagne, aussi voisine que le permettait la surveillance anglaise de l’habitation de l’illustre prisonnier, avait été louée, et la prétendue Mme Smith s’y retira, prétextant que l’air lui manquait dans cette étroite résidence de James-Town.

Benedict resta à la ville quelques jours, s’occupant en apparence d’affaires de commerce.

Edith, comme Benedict le lui avait recomman-