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paraissait pas avoir conservé de rancune contre son ami.

Ils restaient ensemble de longues journées dans la cabine, accoudés à la table suspendue, couverte de papiers et d’instruments de mathématiques ; sir Arthur Sidney, après de longues méditations, traçait sur une ardoise des dessins compliqués remplis de chiffres algébriques et de lettres de renvoi que Benedict recopiait au lavis en les épurant et en leur donnant toute la précision désirable ; quelquefois, avant de les traduire sur le papier, il faisait à Sidney des observations que celui-ci écoutait avec une attention profonde, et qui amenaient quelque changement dans le plan primitif.

Bientôt, du plan, les deux amis passèrent à l’exécution d’un modèle réduit. Ils taillaient gravement de petites pièces de bois longues comme le doigt, et dont il eût été difficile de deviner la destination ; quand tout fut taillé, Sidney réunit avec beaucoup d’adresse les morceaux séparés et numérotés que lui tendait Benedict, qui paraissait, lui aussi, attacher un vif intérêt à l’opération. De ce travail acharné d’un mois, il résulta un canot d’un pied de long, tout à fait pareil en dehors à ceux qui composent ces flottilles que les enfants font flotter sur les bassins des parcs ou des jardins royaux, mais au-dedans rempli de rouages, de tubes et de cloisons.

Ce résultat puéril en apparence sembla réjouir beaucoup les deux amis, et Sidney poussa un soupir de satisfaction en posant la dernière planchette.