Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les femmes, elle aimait davantage Volmerange depuis cette nuit terrible : tant de violence prouvait aussi tant de passion ! Cette rigueur implacable lui plaisait ; plus d’indulgence eût témoigné de la froideur : il faut bien aimer pour se croire le droit de mort ! Quelles espérances de bonheur Volmerange avait-il donc fondées sur elle qu’il n’avait pu en supporter la ruine ? que faisait-il maintenant, désespéré, bourrelé de remords, forcé de fuir sans doute ? Quel effet avait produit dans le monde cette catastrophe sinistre et mystérieuse ? telles étaient les questions toujours les mêmes et résolues de cent manières, que se posait Edith, tandis que la Belle-Jenny, tantôt poussée par une brise carabinée, tantôt ramassant dans ses toiles jusqu’au plus languissant souffle d’air, s’acheminait vers son but mystérieux.

Benedict, de son côté, pensait beaucoup à miss Amabel, et toutes les fois qu’il passait sur le pont à côté d’Edith, ils se regardaient tristement, et leurs chagrins se reconnaissaient.

Enfin on arriva en vue de Madère, et Sidney envoya un canot à la ville pour renouveler ses provisions et acheter une garderobe complète de femme à Edith. Robes, linges, châles, chapeaux, rien n’y manquait ; on eût dit un trousseau de jeune mariée. Cependant ou ne lui fit pas quitter ses habits de mousse.

Soit qu’il crût devoir se soumettre au serment rappelé, soit que Sidney l’eût véritablement conquis à ses idées, Bénédict ne s’était plus révolté contre cet enlèvement étrange qui l’avait arraché au bonheur d’une manière si soudaine, et il ne